BOXE TIME

BOXE TIME

RUFINO ANGULO

rufino angulo.jpg

 

«J'AI EU PLUSIEURS VIES DANS UNE MÊME VIE !»

La poignée de main ferme, le regard franc, la voix chaleureuse, Rufino Angulo est tel qu'on l'imagine ! Celui dont le journal L'Équipe titrait «Une étoile est née» au soir de sa victoire sur Tony Mundine, N°1 mondial en 1983, nous a reçu dans sa superbe propriété de Virelade, «en Pays de Podensac».

Qu'on le veuille ou pas, le monde de la boxe véhicule plusieurs poncifs : frapper avant de penser, détruire, parader, flamber !! Et bien Rufino, l'ancien fils d'immigré espagnol, ne rentre dans aucune de ces cases. A 63 ans, l'ancien athlète affiche une silhouette longiligne de 1m85, un visage intact, une verve oratoire, une lucidité et un franc-parler, qui séduisent son auditoire.

Son passé de champion force le respect. Sa carrière professionnelle commence en 1978 et se poursuit pendant dix ans. Elle est rythmée, entre autres, par deux championnats du monde, contre deux légendes de la boxe des mi-lourds, Virgil Hill en 1987 et «Prince» Charles Williams en 1988.

Rufino, de même, a toujours été un sportif accompli, qui tout jeune a compris que l'hygiène de vie était à la base de succès futurs. Sa préparation est intense, son alimentation est soignée et il est un passionné d'autres sports. Il commence d'ailleurs par le foot avant d'enfiler les gants à l'âge de 14. ans. Sa vocation dans ce domaine lui est sans doute suscitée par le combat de Marcel Cerdan Jr, auquel il assiste tout jeune au Palais des Sports de Bordeaux.

Les cris, les coups, les invectives des entraîneurs, la sueur, le sang, la rage...c'est décidé il sera boxeur !! Très vite, ses aptitudes le font entrer dans l'équipe de France amateur de sa catégorie. Il aurait pu disputer les Jeux Olympiques de Moscou en 1980, mais il choisit le professionnalisme. Ses premières lettres de noblesse, il les signe en mettant K.O André Genasi, qui avait déjà disputé six combats, alors que notre girondin n'en était qu'à son premier ! Angulo a ce petit plus qui vous met à part dans le monde de la boxe. Il a le punch, il possède la foudre dans ses poings. Virgil Hill lui-même, resté champion du monde jusqu'à l'âge de 36 ans, reconnaissait «que son adversaire fut un des plus dangereux qu'il ait eu à affronter».

Rufino savait, toutefois, qu'une carrière sportive, aussi glorieuse soit elle, était par nature éphémère. Ses parents son père en particulier lui avaient transmis, ainsi qu'à ses frères et sœurs,les valeurs du travail et du respect des autres. Alors même qu'il est au sommet, il songe déjà à sa reconversion. Dès 1981, il ouvre un bar à Cadillac, alors géré par sa femme. Il monte aussi avec son frère aujourd'hui décédé, une entreprise générale du bâtiment.

Rufino est encore un des rares représentants du «noble art» à avoir été boxeur en exercice et organisateur de ses propres combats à la fois. En 1986, d'ailleurs, le 23 mai, le jour de la naissance de son fils, Rufino Jr, il organise à la salle de la Benauge le championnat d'Europe Skouma-Redondo. Une fois sa carrière terminée, il renouvelle ces organisations à deux reprises. En 1989, il propose le très alléchant championnat du monde des Supercoqs entre Fabrice Bénichou et Ramon Cruz. En 1991, le célèbre Jean-Marie Amat le convoque afin qu'il mette en place dans son restaurant un choc de punchers entre Freddy Said Skouma et Jean-Claude Fontana, titre européen en jeu. Au total, il aura organisé un peu plus de 50 galas pendant une vingtaine d'années et il est le seul dans le paysage de la boxe à cumuler ces deux fonctions.

Angulo porte un regard sans concession sur son sport ! Lors de son deuxième championnat du monde contre Williams, il reproche notamment à son camp un manque évident de professionnalisme. Touché à l’œil gauche dès le troisième round, son coin est incapable de soigner cette blessure, ce qui oblige l'arbitre à arrêter le combat en début de rencontre.

Il est comme ça notre girondin, droit entier, honnête et direct comme son crochet ! Il résiste aux chants des sirènes. Il refuse la récupération médiatique à une époque où la boxe est régulièrement télévisée et beaucoup plus populaire qu'aujourd'hui. L'homme est attachant, il prend plaisir à vous raconter mille anecdotes. Son amitié pour l'ancien ministre et avocat Roland Dumas lui ouvre les portes de Paris. Son attachement est indéfectible pour son premier entraîneur, Léandre Mateos, pour Michel Fradet, le journaliste de Sud-Ouest, pour Jacques Sénégas, son médecin personnel, voire pour deux de ses sponsors et amis, Gérard Le Bihan et François Lillet.

L'argent, Rufino en a gagné, mais plus avec son travail paradoxalement que grâce au ring ! Il confesse tout juste avoir connu après son arrêt «le syndrome du sportif professionnel». Il veut oublier l'homme qu'il a été alors pendant quelques mois, alors qu'il traversait une période de dépression bien compréhensible après tant d'années de compétitions intenses. Durant cette courte période, les salles d'entraînement étaient loin. Mais sa femme et ses enfants pourtant jeunes, étaient là. «Je veux qu'ils soient fiers de moi!» clame l'ancien champion ! Alors il se relève, devient président du club de foot de Saint-Médard d'Eyrans, dont il confie l'entraînement à Jean-Christophe Thouvenel, que personne n'a oublié.

Il construit, rénove, achète des maisons, les revend, investit dans un hôtel à Mérignac, ouvre des bars à Bordeaux et au Cap-Ferret. Il devient «ferretcapien» et au «44», il reçoit toute la Jet Set. Roman Polanski, Mathieu Chedid «M», Guilaume Canet, Julien Courbet viennent chez lui. On aime sa simplicité, sa gentillesse, mais on a aussi envie d 'approcher l'ancienne «gueule d'ange» des années 80. Jean-Louis Debré, lui-même, devient son ami. Angulo côtoie le showbizz, mais il lui préférera toujours la tranquillité de la campagne et la quiétude de sa famille.

En 2007, il revient sur ses terres des Graves et il succombe à une de ses passions, le vin. Il achète une propriété viticole, le château «Tuilerie Gayon» et devient viticulteur. Il perd d'abord beaucoup d'argent avant de rencontrer Éric Gonfrier qui lui permet enfin de rentabiliser son affaire. Il vend désormais à son nom et de celui de son épouse deux Graves rouge et blanc ainsi qu'un rosé. Mais Rufino est insatiable, il devient également gentleman-farmer. Il possède ainsi en propriété et gardiennage une vingtaine de chevaux, fierté de sa femme et de sa fille.

La passion du «noble art» l'habite toujours autant et il sait la transmettre à trois de ses boxeurs professionnels qu'il conseille et entraîne. Rufino le dit haut et fort «j'ai eu plusieurs vies dans une même vie!». Il faut le croire sur parole. Dans son domaine de prédilection, et dans les affaires, il reste un battant impénitent. A la salle comme à la ville, ce fidèle en amitié, au cœur tendre, demeure un roc indestructible, qui mérite d'être connu !!

Christophe GAMEIRO

https://boxrec.com/en/proboxer/1038



08/04/2019
3 Poster un commentaire

A découvrir aussi