BOXE TIME

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YANEK WALCZAK

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Un jour de 1951, Yanek Walczak en a eu marre, de la boxe. Sa carrière professionnelle depuis 1944 était bien remplie. Un seul titre de champion de France, welter, mais des combats contre Cerdan, Dauthuille, Villemain et surtout Ray Sugar Robinson, trois fois, qu'il avait envoyé au tapis d'un crochet au foie lors du deuxième match en Amérique, pourtant perdu aux points, c'était la fierté de Walczak. La troisième fut la bonne. Walczak décida d'arrêter après le K-O infligé par le champion à Liège, en 51 donc. Devant les abattoirs de Vaugirard, au 75, rue Brancion, il a ouvert un café-bar: «Aux Sportifs réunis, chez Walczak», et l'a tapissé de photos.
 
Il y a beaucoup de Cerdan, beaucoup de Ray Sugar aux murs, une Edith Piaf pour la raison qu'on sait, un Georges Brassens qui habitait derrière et a donné son nom au parc devant, pas mal de Walczak, parce qu'il était chez lui. «C'est son musée personnel, dit le fils Guy. On n'a rien touché.» Yanek Walczak est mort à l'hiver 89, d'une crise cardiaque au comptoir. Le café-bar reste comme avant. Les gants, le casque et une corde à sauter sont pendus au poteau central. Des casques et lampes de mineurs aussi. Le patron était un Polonais du Pas-de-Calais, brièvement descendu à la mine avant qu'un entraîneur n'emmène à la salle ce fameux bagarreur des corons. Pour le reste, c'est un beau vieux bistrot de Paris, sans toc, avec des glaces partout, une corniche ouvragée qui fait le tour du plafond, un poële à bois et charbon qui chauffe sous un tuyau sophistiqué, une cabine téléphonique à l'ancienne dans un angle, surmontée d'une énorme tête naturalisée d'hippopotame qui bâille.
 
La belle époque de l'établissement a définitivement tiré le rideau en 1979. Plus d'abattoirs à Vaugirard, plus de bouchers, de maquignons, de sénateurs, qui amenaient les chevaux 4 par 4, plus de tueurs. «C'était un bistrot populo, raconte Mme veuve Walczak, qui vivait au rythme des abattoirs. Au matin, on y servait les casse-croûtes géants qui conviennent aux travailleurs de force.»
 
De sportifs, malgré le titre, il n'y en a jamais eu beaucoup. «Mon père allait aux combats, mais il avait coupé avec le milieu. Son monde s'était arrêté avec la dernière génération des boxeurs durs qui faisaient la popularité de la boxe d'après-guerre.» Près de l'entrée, une droite de Walczak assomme depuis plus de quarante ans un adversaire qui s'en tord le visage. C'était un bistrot d'amis, avec la table du patron, toujours la même. «L'ambiance, c'était mon père, qu'on n'a jamais vu triste.» C'est encore un bistrot d'habitués, qui remarquent la photo du boxeur en retraité, par Bettina Rheims. «Une dizaine à peine sont du quartier. Le soir il y a souvent des jeunes, qui mangent et discutent jusque tard en écoutant la musique.» Car Guy Walczak est apparemment très jazz et tout compte fait, peu nostalgique: «Je préfère le quartier d'aujourd'hui. Il était trop chaud autrefois. Les bouchers étaient vraiment violents. Sauf ici, parce qu'on est chez Walczak.»
 
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08/09/2020
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